Philippe Leuckx, Nuit close, sizains, Editions bleu d’encre  ( 2021, 10 euros).

D’emblée, avec son titre court, Philippe concise la nuit en une sorte d’évanescence très présente à l’état brut, tel un ciseleur ou un tailleur de pierre :

« On se rempare/ comme on peut/ on taille dans le noir/ la limite du cri/ l’offrande à peine sûre/ de ses poumons blessés ».

Là où la respiration se fait prise sur la matière à vouloir restituer les choses, les rendre prenantes, l’auteur saisit « à plein sang » la tourmente à l’affût d’un cœur qu’il écoute « en recel de visages ».

Philippe a cette intention de clore la nuit pour protéger le jour malgré qu’il ne sache « presque rien/ des promesses de l’aube ».

Progressivement le doute fait place à une esquisse de l’Eternité maîtrisée par une progressivité de sizains annoncés, et ce n’est pas un hasard, en chiffres romains, la toge littéraire de Philippe Leuckx ayant ce brillant participatif du mouvement intérieur oral de son âme qu’on peut reconnaitre aussi dans sa manière d’être quand il s’exprime en plein public.

Parfois la poésie semble chercher dans l’ombre une main sans nul doute là où s’active « la tranche de lumière à la brisure », partageant les quelques lumineux faisceaux comme on rompt le pain.

Evolutive, la prise de conscience de l’aube s’est faite puissante dans ces sizains ouverts comme autant de fenêtres dans « la maison habitée/ de toutes petites solitudes » avec une loupiote de secours clignotant des cils ce que la mémoire a retenu.

C’est pour l’auteur un texte d’attente d’une présence tellement en lui qu’elle va « recoudre les souffles ».

Nuit close, oui, mais sans enfermement, magnifiée avec la superbe main de l’offrande, le « lait des meurtris/ dans la bouche d’ombre » annonçant une aube qui profitera du « moindre bond/ en quelque marge d’épaulement ».

Les textes sont denses, courts tels des galets présentés avec quelques éclats qu’on touche des doigts à vouloir saisir la brisure évoquée dans toute son amplitude à prendre « cette nasse de temps/qui s’ouvre/ vers la mer », ce rare élément marin des sizains étant, sans insistance, presque suffisant à déployer la voilure pour de nouveaux départs.

 

 

 

 

 

 

 

Patrick Devaux