Matriochka, Philippe Rémy-Wilkin, Editions Samsa, 2019

Matriochka, justement couronné l’année dernière du Prix Gilles Nelod attribué par l’Association des Ecrivains belges, a déjà fait couler beaucoup d’encre enthousiaste…

Il s’agit ici d’un conte « fantastique » au titre évocateur, basé, comme beaucoup des écrits de Philippe Rémy-Wilkin, auteur littéraire riche et varié, sur de réels faits historiques.

Mais surtout, c’est un récit à plusieurs couches, plusieurs interprétations. Il entraîne le lecteur dans des zones souvent floues entre réalité et rêve (ou cauchemar), au travers de temporalités différentes. On ne sait pas toujours, sans s’y perdre jamais tout-à -fait, dans quelle zone l’on se trouve, mais cela n’est pas l’essentiel, on se laisse aller dans le fleuve tourmenté et envoûtant du récit.

Le lecteur n’est pas ménagé, qui passe d’une émotion à l’autre, sans jamais vouloir lâcher le fil.

En quelques mots : Thomas se réveille dans une chambre d’hôtel, émerge très lentement d’un état vaseux, se souvient enfin qu’il est à Saint-Pétersbourg dans le but de réaliser les repérages pour le tournage d’un film.

Il déambule dans les rues de la ville et son errance finit par le mener dans une pièce close, sorte de réplique de celle où a eu lieu le massacre des quatre Grandes-Duchesses de la famille Romanov.

En même temps, et parallèlement à ce rêve qui le plonge dans l’un des épisodes dramatiques de l’histoire de Russie, Thomas revit les graves blessures de son enfance ravagée et de son adolescence. Imaginaire et mémoire douloureuse se conjuguent, tout s’imbrique l’un dans l’autre comme…des poupées russes.

Le récit contient un nombre impressionnant de références culturelles intéressantes. Quant au style, il est vif et si rythmé que la lecture fait dérouler par moments dans la tête des séquences presque cinématographiques. Et ceci, sans faire barrage à la poésie…

 

Martine Rouhart