Pierre Coran, Mosaïques pour le jour qui vient, poèmes, L’Arbre à paroles, 2022, 80 pp, 12 €

Poésie de l’enfance,  enfance de la poésie…Où sont donc les limites, si elles existent? Il y a en tout adulte une part d’enfant, qui jamais n’a fini de naître, de venir à la lumière. Part qui le plus souvent reste cachée, par peur de paraître naïf, peut-être, et ainsi nous  promenons, avec un masque d’adulte sur le visage, un enfant qui n’a jamais fini de naître…

Chez Pierre Coran, cette enfance, en tous ses écrits, affleure. Il suffit d’un rien, d’un geste, d’un semblant parfois de maladresse,, pour qu’elle revienne à la surface. Ecoutez-le donc, en ses Utopies: En mon jardin imaginaire / Que je m’inscrive, en parallèle, / Dans le vrai et dans l’irréel, Partout où je me réfugie / Mes utopies sont fleurs de vie. Un subjonctif ici, qui se lie, par son étymologie, à un lien secret, pour conjoindre le réel à l’imaginaire. Ou bien, jouant de rimes subtilement décalées, d’images légères comme des pétales, et d’une image faussement naïve: Sur l’horizon qu’il ennuage, / Mon ciel refait son maquillage // A fleur de vie, / A fleur d’image.

Un thème récurrent, qui éclaire, explique, justifie ce retour aux pays d’enfance (ceux-là mêmes, précisément, que l’on retrouve dans ses romans pour adolescents, et dans ces pièces à trous: le passage, la fuite du temps: Sous un lit de poussière/ J’assume le transfert (…) Et tout me prédestine, / Sans que je le réclame, / A gérer l’amalgame / Entre un présent vécu / Et l’écho des racines. Mais fuite du temps, et non fuite de l’homme, qui, bien au contraire, assume, et s’enrichit de ce retour aux sources. Un secret? Un mot de passe? Qui sait? Mais avec, toujours, ce grain de fantaisie, ce grain de sésame, qui ouvre les portes du passé, et le fait communiquer avec le présent.

Et dans ce texte emblématique, Sur ma vie, il confirme et signe, pour ainsi dire: A quoi bon enchâsser / Un final de légende / Alors qu’à fleur d’idées / Le présent s’achalande? Notre vie de fleurs et de racines, cette enfance jamais quittée, et cette vie toute simple, qu’il suffit, au fond de soi, de conjoindre pour s’y ressourcer. Et ces formules, ces images dont la simplicité même est magique: Il est de vrais trésors / Qui se cherchent en nous / A l’image de l’or / Dans l’eau et les cailloux.

Et c’est le père, à la fin qui parle. Car s’il est lui le bois, la corde de l’arc, c’est la liberté de l’enfant qui la tresse.

Joseph Bodson