Roland Thibeau, El vilâje insclumi, , théâtre,éd. MicROMANIA

Les lecteurs de Roland Thibeau retrouveront ici avec plaisir l’habileté de l’intrigue, le sens de la narration et les caractères soigneusement dessinés qui caractérisent l’art de Roland Thibeau. Une pièce qui ne comporte aucun temps mort, aucun dérapage vers des dissertations trop étendues: ici, tout concourt à l’action, et la morale de l’histoire elle-même découle tout naturellement de son dénouement. De plus, l’auteur dispose, en borain surtout, d’une grande richesse de vocabulaire, ce qui est assez normal vu le contexte. Certaines des images, des mots-images sont porteuses d’une grande richesse poétique. C’est ainsi que l’intrigue se construit peu à peu dans une progression dramatique fort bien construite. On pourrait y lire, comme en filigrane, l’histoire d’Oedipe, dont la culpabilité se dévoile peu à peu, à mesure que progresse le récit et que l’atmosphère s’alourdit; ceci tout particulièrement lors de l’entrée du réalisateur, et dans la dernière scène.

Un moment fort, p.57, lorsque le jeune Sébastien s’étonne que le réalisateur connaisse si bien le village, et que celui-ci l’amène, peu à peu, à dérouler le fil de sa propre vie, et notamment l’intervention de cette comédienne qui lui a donné le goût du théâtre. Et puis aussi la référence à Lemonnier, Happe-chair, l’usine qui peu à peu ronge les hommes. On ne peut oublier que pendant bien longtemps les grandes grèves, les manifestations pour le suffrage universel ont trouvé leur point d’ancrage dans le Borinage. C’est ainsi qu’à la page 71 la solidarité, elle aussi; sera évoquée., de même que la fatalité, à la page 85, et la volonté de Marie de tout dire, de tout expliquer, correspond à ce qu’étaient la peste, le divin, dans la tragédie de Sophocle.

Une pièce dense et forte, qui devrait constituer  l’un des fleurons de notre théâtre wallon.

Joseph Bodson