Salvatore Gucciardo, Ombres et Lumières, préface de Giovanni Dottoli, Aga L’Harmattan, 2019

Ce recueil, bien sûr, tant dans ses parties de création que dans les réflexions sur son art, forme un tout étroitement lié, et que l’on pourrait facilement classer parmi les Autoportraits, tant l’auteur y exprime le plus intime de lui-même, on pourrait presque dire Plus intime à lui-même que lui-même, car il reste toujours la part du Non-Dit, de ce qui est encore à finir. Rêve, rêveries sur un monde encore à venir, à construire, tout s’y entremêle dans une perspective fortement idéaliste, basée sur la croyance en un monde si beau, par les aperçus que nous en avons, qu’il ne peut en venir à disparaître, entraîné par le Mal qui rôde malgré tour à sa périphérie.

Mais parcourons-le un peu avec lui, perdons-nous en ses sentiers comme en ses voies royales.Et cette citation de lui que fait le préfacier, p.12, et qui le résume bien: Mes yeux fixent une lueur. Je me sens attiré par un rayonnement magnétique. C’est une force inconnue. J’ignore l’origine de cette énergie. Je sais qu’elle est présente en moi.

Il nous dira encore, p.31, au chapitre Portrait sans visage: J‘ai en mémoire la couleur du nimbe sur la tête de la statue d’albâtre. Son disque brillait. Le prophète rêvait de réformer la face du monde. Sa candeur séduisait; de même sa pensée salvatrice.:Mais tout n’est pas triomphe. Ainsi, p.33: Fouetté par la bourrasque, je me suis résigné. Je me suis abrité dans une grotte et me suis recroquevillé.dans le silence pour dialoguer avec les ombres./ La nuit m couvre de ses viscères. Et plus loin, p.34:Je m’initiais au magnétisme de la connaissance. Quête de soi, recherche de l’autre. Je m’enivrais de la symphonie de l’univers et des délices du savoir.

On remarquera, au passage, l’alternance, le passage très rapide du désespoir à l’enthousiasme, et vice-versa. Il y a là, comme en beaucoup de passages, une inspiration assez évidente, une influence marquante de Victor Hugo sur l’auteur. Assez souvent il le cite en épigraphe, et le titre Les rayons et les ombres de l’exilé de Jersey pourrait lui servir d’enseigne, de même que ce dialogue hugolien fréquent avec les éléments, que ce soit la mer calme ou la tempête

Ecoutons-le encore, en l’une de ces entrevisions qui pourrait – presque – passer directement sur la toile, p.61:Les songes s’estompaient sur la nudité des ports. Les bateaux esseulés naviguaient vers un futur brumeux. Les corbeaux réduits à une masse compacte volaient au-dessus d’un champ de blé. Un nombre infini de taches noires dessinaient des courbes dans le paysage doré..

Visuel ou visionnaire, Salvatore? Sans conteste, me semble-t-il, les deux à la fois.

Joseph Bodson