Sonia Elvireanu, Le chant de la mer à l’ombre du héron cendré, poèmes, éditions L’Harmattan, 2021.

Convaincue de transparence solaire, Sonia étale son ressenti d’un paysage à l’autre, passant d’un pays enneigé à la lueur diffusée dans les branches d’un palmier comme on ouvrirait ses doigts en les écartant de mots pour voir entre eux le soleil réverbérant, quand il neige ou quand le soleil étale ses rayons, le cri silencieux des morts recouverts d’une terrible unicité survolée de hérons gris ou de cormorans suivant la position émotive de la poète.

On songe très vivement au texte de Milosz avec « tous les morts sont ivres de pluie vieille et sale au cimetière étrange de Lofoten » avec cette sorte d’obsession d’une présence-absence qui parcourt tout ce recueil où des ailes de lumière se font insistantes à vouloir rendre la vie permanente à partir d’une sorte de vide. On pourrait comparer les oiseaux de Sonia à la grandeur des âmes qu’elle côtoie, celles de « ceux (qui) / depuis longtemps/ partis/ errent sans fin/ au creux/ de nos oublis ».

Il n’y a pas de peur, ni de crainte à avoir mais seulement une sorte de reconnaissance du vécu quand la poète dit : « la nuit/ te hume/ mon amour/ ne t’effraie pas/ les feuilles ne meurent/ qu’une fois », les poèmes répétant l’absence de l’oubli, ce qui rend la vie très présente surtout quand Sonia l’immobilise d’une sorte de gel apaisé par une neige ayant vocation de manteau protecteur :

« Il neige/ sur les regards/ éteints/ par l’attente/ là-bas au loin/ la Sibérie gelée/sombre dans l’oubli ».

Puis, comme surgie d’un autre paysage, d’une autre époque et parfois avec des espèces d’oiseaux différentes comme pour rendre un film de vie crédible à la façon d’un kaléidoscope avec des scènes diversifiées en des lieux divers, « une cigale/ crisse /la mélancolie sous la (ma) fenêtre », cette cigale étant peut-être la poète elle-même quand, de bon conseil, elle utilise un tutoiement de proximité révélant l’intensité de ce qu’elle exprime : « ne dis jamais/ adieu/ aux paroles/ laisse-leur/ le temps/ de se reposer en toi ».

La multiplicité des paysages converge vers l’universalité du ressenti quand, dans le titre lui-même il y a ce raccourci entre le héron (qui est plutôt un oiseau d’eaux douces) et la référence plutôt pensée de façon marine quand Sonia écrit :

« Ma mer /au crépuscule/ la lumière frémit/ dans ses profondeurs », unissant ainsi la terre, la mer et le ciel avec la convergence des oiseaux déployant de longues et lentes ailes nostalgiques, avec cet épanouissement vers l’éternité :

« vers toi/ ô ciel/ s’élève/ ma prière ».

Patrick Devaux