Victoire de Changy,  La paume plus grande que toi, éd.L’Arbre  de Diane, 2020, 124p.12 euros.

Victoire de Changy, jeune romancière déjà remarquée en tant que finaliste du prix Rossel pour son premier roman par la critique d’abord en 2017 « Une dose de douleur nécessaire », puis pour  le second«  L’île longue » en 2019 ,parus tous deux chez Autrement a vu son succès grandir encore par leur réédition en poche en2019.

A ses débuts , elle a déclaré qu’à l’âge de huit ans, elle avait tenu la plume de façon on ne peut plus nécessaire, comme Rilke qui indique au jeune poète que toute œuvre vraie et forte est ancrée dans ce seul et unique appel intérieur, à l’exclusion de toute autre considération extérieure à cet élan créateur.

Aujourd’hui, s’est ainsi imposé à elle le désir de poétiser  et de célébrer la naissance de son premier fils prénommé Nour qui n’est pas sans faire allusion à son second roman qui a pour décor une saga iranienne intime et politique.

Elle entre donc ici en terre de poésie dans ce recueil d’une façon tout aussi fulgurante, en se laissant porter par une forme unique de célébration de la maternité.

Pour la forme, recusant la ponctualité, elle choisit de découper le vers en trois ou  quatre syntagmes de chaque phrase en enjambant souvent d’un ou deux à trois mots intenses, sous forme de rejets, ce qui crée un rythme  de longues cascades, soit rapides ou ralenties de notations sensorielles ou cénesthésiques   depuis la grossesse, l’accouchement,l’allaitement , le sevrage jusqu’au stade de neuf mois du miroir où le petit homme fait famille dans la liesse !

Pour le fond, il s’agit d’une chronique très intime de semaine en semaine avant, pendant et après la naissance de l’enfant jusqu’au bambin.

Le vécu des sentiments, impressions et émotions  et des réflexions sont  exprimées d’une façon analytique très minutieuse à la fois dans le for intérieur de la jeune mère  et de l’observation constante inquiète ou adorante  de l’éveil progressif de l’enfant à la vie dans ses expressions , ses gestes et ses appels .

On retiendra de cette écriture très fluide et rythmée par les affects les plus charnels du corps et du lien maternel l’efflorescence massive de répétitions isométriques, d’appositions, de métaphores filées, de jeux de mots  (Nour , le prénom de l’enfant avec nourrir), enchaînant à leur tour d’autres métaphores à partir du sens premier, ce qui confère à cette écriture très anaphorique de célébration de la maternité une très grande beauté et le bonheur profond vécu par trois êtres qui font finalement famille.

On peut dire que cette entrée en poésie constitue une magnifique réussite de par l’excellence d’un style toujours maîtrisé d’une grande richesse toujours plus profonde qui ne peut que combler le lecteur.

Jean-Pierre Grandjean .