Victor George, Se la cenere torna brace, Bohumil Edizioni, poèmes, wallon-italien, traduction en italien par Jean Robaey, Via Drapperie 6, 40124 Bologna
Victor George est sans doute le plus discret de nos poètes wallons, mais c’est aussi, sans nul doute, l’un des plus profonds. Ses recueils se comptent sur les doigts d’une main, Adju c’pagnon, en 1963, Gris pwin, en 1965, In Paradisum…, 1978, Rècinéyes, 1979, et Totes lès-ameûrs dè monde, 1983. Les textes repris ici en forment une anthologie, les trois derniers étant inédits.
Waire, mais bon : la devise des Rèlîs namurwès lui va comme un gant. Il est bien, en cela, de la famille du Père Guillaume, qui fut longtemps son ami. D’une vieille famille enracinée en notre terre, mais aussi d’une famille dont le regard porte loin, et dont les termes mêmes qu’ils emploient, tout liés à la terre qu’ils soient, touchent également aux racines les plus profondes de l’être humain, en quelque situation qu’il se trouve.
Une étonnante richesse de vocabulaire, mais sans recherche excessive ; des mots qui semblent couler de source, venus d’emblée des premiers matins du monde, pour dire l’essentiel de nos destinées humaines. Si la cendre redevient braise …car il suffit d’un souffle, parfois, pour que nos destinées changent leur cours. Et contrairement aux apparences, nous y avons notre mot à dire. Nos mots, quelques pauvres mots, mal assemblés, cherchant leur place, leur sonorité, leur parenté, et qui finissent par former le cœur brûlant d’un poème, où les hommes, amis ou ennemis, puissent venir se réchauffer. Tels étaient déjà les poèmes du Père Guillaume, tels sont ceux de Victor George, avec leur accent propre. Cette porte de la cave qui était restée ouverte…cette présence/absence…ce sens de la vie, que l’on cherche avec des mots qui ne sont pas des jouets, mais des outils. Une langue qui n’est ni jeu ni sapience, mais le travail patient et obstiné de ses usagers. Usagers, comme on dit ouvriers : ceux qui en ont l’usage, et la fatigue.
Vîs mots toûrnés à crohês, / Coûs èfagnis po todi./ Poussîre di timps, fas d’ohês, / Dérine êreur so l’ payis. // Voci l’eûre dè feû so l’ têre, / li timps dè r’clôre li grond live. / C’èst nosse vî monde qu’on-z-ètère, / Mwètes-eûres èt mwêtès fîves. // Qu’è d’meûr’rè-t-i ? Une foumîre, / Et nin d’djà deûs mots po l’ dîre.
Parole vecchie diventate carboni, / Cuori diventati fango per sempre, /Polvere del tempo, fasci di ossa, / Ultima luce sopra il paese. // Ecce l’ora del fuoco o sulla terra, / Il tempo di richiudere il grande libro ./ È il nostro vecchio mondo che seppelliscono, / Morte ore e morte febbri. // Cosa ne rimmarà ? Fumo, / E neppure due parole per dirlo.
(Vieux mots devenus charbon, / Cœurs embourbés à jamais, / Poussière de temps, faix d’ossements, / Dernière lueur sur le pays // Voici l’heure du feu sur la terre, / Le temps de refermer le grand livre, C’est notre vieux monde qu’on enterre, / Mortes heures et mortes fièvres. // Qu’en demeurera-t-il ? Une fumée, / Et pas même deux mots pour le dire) (trad.française JB)
On remarquera la concision et la force de la traduction en italien ; le wallon et l’italien ont sans doute en commun une verdeur et une précision remarquables, mais il faut saluer le remarquable travail accompli ici par Jean Robaey.

Joseph Bodson