Violaine Lison, Manon Gignoux, Vous étiez ma maison, poèmes, Esperluète éditions, 2022, 96 pp., 18 €.

Dans un style d’une merveilleuse limpidité, et comme une coulée de lumière, Violaine Lison en vient à aborder, sans avoir l’air d’y toucher, quelques-uns des thèmes essentiels de notre vie, et de la poésie, qui s’en veut l’une des expressions majeures.
La vie, la mort, le rapport et l’apport des générations, dans la liaison recherchée de l’homme avec l’arbre, la forêt : il existe ici une sorte de rapport fusionnel entre les deux, et qui se dévoile peu à peu au terme de l’avancée. Au fil léger d’un dialogue entre deux femmes, dont l’on devine l’une plus âgée.
Car c’est bien d’un long chemin qu’il s’agit, au fil de ces évocations, en phrases très courtes – à peine phrases, plutôt phases, touches légères, tissages arachnéens marquant l’appartenance de notre monde intérieur au monde naturel, ainsi p.27 :
« Je me souviens. Ma fuite. La forêt. La maison. Votre main comme une cuiller de miel. Des mots. Des gestes, des onguents et votre regard souriant. Un vieux feu couve dans la cheminée. Ratatiné comme une pomme au four ».
Ainsi se trouvent en quelque sorte réconciliés, dans la douceur de l’automne et de la neige, dans le futur printemps, réconciliés dans ce dialogue à mi-voix, le conflit des générations, la peur de la mort avec l’âge qui vient, le grand problème du temps qui passe et pareillement jamais ne revient. Avec pour symboles le plus évident l’arbre et sa croissance, et le bruit familier des machines à coudre de notre enfance.
Les illustrations de Manon Gignoux, par le contraste du blanc et du noir, ces ébauches de corps humains à peine dégagés de la cape qui les recouvre, renforce encore la puissance de l’évocation.
Un livre à lire, à relire et à méditer, méditer en se laissant bercer par le rythme lent des images déroulées au fil de cette avancée, jusqu’à sa belle finale, dédiée à Martine Van Turnhout : « Vous dites que même la mort se vit / Comme un serment / Comme une éclipse / Un chemin de traverse / Vous mettez vos petits pas dans les grands / Ceux du monde / Et vous avancez / Pieds nus // Les lucioles n’ont pas peur de la nuit ».

Joseph Bodson