Capture d’écran 2013-05-22 à 15.35.15

Jean-Louis Massot, Séjours, là, Bruxelles, M.E.O., 112 p. (14€)

Sous une écriture aux apparences de simplicité, Massot aborde des problèmes profonds liés à l’existence. Le sentiment de finitude qui hante l’homme face à la mort. Celle-là même sans doute qui le mène à se réjouir de la nature mais aussi à souhaiter d’aller vers ailleurs ; celle-là aussi qui fait que les choses finissent par s’user, se casser comme les sentiments. C’est le sort du vivant autant que du fabriqué, qui aboutit à une absence remplaçant la présence. Et la récurrence du mot « nuage » (objet insaisissable, protéiforme, éphémère, nomade, porteur de pluie ou révélateur de soleil, opaque ou translucide, en apesanteur dans le ciel) est significative au plus haut point.

Massot prend pour matière poétique un quotidien de proximité souvent attiré par le lointain. Il aligne des photos virtuelles que des vocables ordinaires décrivent concrètement. Là sont jardins et potagers, maison qui se déglingue ou devenue trop grande avec les années, outils rouillés, technologie informatique invasive… Là cohabitent­­­­­­­­­­­­­ personnes à mémoire fidèle et vieillards victimes d’Alzheimer, saxophoniste de jazz, clientèle d’un bistrot, navetteurs abonnés au train, mendiante quémandeuse, patiente atteinte d’un cancer du sein…

À travers cet échantillonnage de vie, souvent, l’intime rejoint l’universel ; l’individuel ou la solitude se relient au collectif. Des tableautins familiers se joignent aux portraits doux amers de ceux en train de vivre « des bouts d’existence / qui peu à peu se disloquent ». D’où l’inanité de toute vanité. D’où une attention portée aux choses simples, aux moments fugitifs autant qu’au malaise intérieur qui se terre en chacun

Le vocabulaire est usuel, simple, direct. Il mène à une compréhension immédiate qui ne doit pas faire oublier la richesse de ce qui est suggéré au-delà d’eux : « Sous les/mots/on entend/parfois /la/vie/qui/ se craquelle ». Dans certains poèmes en prose, l’auteur se risque à des phrases plus complexes, étirées en vue d’une perception davantage pénétrante. Les illustrations de Gérard Sendrey, par contre, laissent le lecteur sur sa faim car elles s’avèrent trop anecdotiques.

Michel Voiturier