Corinne Hoex, Les ombres, poèmes,illustrations de Robert Lobet, Editions de la Margeride 2020

Les parts d’ombre et de lumière feraient-elles cause commune à révéler l’essentiel ?

Comme on pourrait parler de « l’absence », la poésie de Corinne Hoex s’émeut d’une présence ressentie et qu’elle aime partager.

La voici comblée avec cette œuvre commune qu’illustrent très brillamment les aquarelles parfois pastellisées de Robert Lobet.

Si le temps, parfois, nous efface les visages de la mémoire, les démarches anonymes que nous avons croisées ne nous accompagnent-elles pas au-delà de nous-mêmes ?

Corinne a cette sorte de perception qui donne de l’intensité aux anonymats perçus ou retrouvés :

« Parfois, elles font un rêve triste/ Elles t’éveillent dans la nuit/ – De la lumière ! / Donne-nous de la lumière ! / De gros insectes/ Des phalènes/ Des hannetons luisants ».

On ne peut intégrer l’ombre. Ce sont les ombres qui, entre elles, nous assimilent en lumière, même fugace, quand nous savons bien que jouer de l’ombre c’est aussi jouer des lueurs.

Les ombres peuvent autant être obsédantes qu’anonymes. Impossible cependant de les faire fuir.

En faire des amies, voire des interlocutrices, peut davantage émouvoir que de s’en plaindre.

Ce sont de belles ombres qui, sans doute, se plairaient beaucoup dans les tableaux de Soulages, le peintre de la lumière « augmentée » d’une obscure présence noire et lumineuse dans ses reflets.

Vêtues d’une sorte d’éternité habillée d’un érotisme dépouillé, les ombres de Corinne rendent le texte suffisamment charnel pour n’évoquer que la Vie.

Le livre donne cette impression d’être habité d’une sorte d’anges sans ailes, sans visage mais à la démarche tellement absolue que leur présence devient nécessaire, vitale :

« Elles glissent, ensommeillées/ Roulées dans leur manteau/ Parfois, elles t’avalent/ Parfois, elles se déchirent/ Décollées de toi/ Nues/ Si nues ».

Les découvrir, c’est marcher avec elles et…se sentir accompagné dans les pensées qui rôdent autour de nous comme autant de partages à aller, avec style si possible, à l’essentiel de nos vies multiples, parfois multipliées à devenir participantes à quelque chose d’inconnu qui nous échappe mais que la poète peut ressentir avec le brio qu’on lui connait à user du texte bref comme autant de pulsions à motiver les éclairs inspirant son langage personnel.

Patrick Devaux