Reynolds Hostin, R.N., Coeûrs moudris, – L’ome, éd. Jean Hamblenne, 46 p., 7,50  € port compris au compte BE49 8002 0259 3571 de Jean Hamblenne, BP 19, 1420 Braine l’Alleud.

Nous avons dit, dans un précédent numéro, tout le bien que nous pensions des poèmes de Reynold Hostin,(1911-1982), de Ciney, poète, auteur de chansons, homme de théâtre et auteur d’études sur le wallon de Ciney. Des poèmes d’une belle simplicité, venus du fond du coeur, sans enflure aucune. (Rukes et Pazias, chez le même éditeur)

Les deux pièces de théâtre publiées ici par Jean Hamblenne révèlent la même simplicité, celle qui vient du coeur, et la même vérité dans l’expression des sentiments, un peu retenue, mais toujours naturelle.

Le sujet peut paraître simple à des jeunes qui n’ont pas connu la vie en Wallonie avant les golden sixties, ni l’énorme impact qu’eurent la guerre de 1940, l’exode, la vie des prisonniers en Allemagne. Dans beaucoup de maisons trônait une grande photo du mari, prisonnier au loin, entourée d’autres photos en médaillons: les autres prisonniers du village. Bien sûr, le GSM n’existait pas, le téléphone, très peu, réservé aux riches, si bien que l’on restait parfois très longtemps sans avoir de nouvelles. Nombre de soldats disparurent dans la tourmente, et bien des civils, au moment de l’évacuation, furent victimes des Stukas, sans que l’on parvienne toujours à identifier les corps.

Tout au long de la guerre, dans nos villages, on organisa des fancy-fairs, pour permettre d’envoyer des colis à nos prisonniers. Après la Libération, nombre de pièces de théâtre furent jouées sur le thème de la résistance, et du retour de captivité. Je me souviens – j’avais quatre ou cinq ans – avoir tenu le rôle du petit garçon qui se jette dans les bras de son père, à son retour, en criant: « Mi papa! Mi papa! ». Mon père était lui aussi de retour de captivité, et c’est lui qui tenait le rôle du père. Elève à l’Ecole royale militaire, il avait été libéré plus tôt, étant considéré comme étudiant. Inutile de vous dire l’émotion qui soulevait les spectateurs: presque tous comptaient des prisonniers parmi leur famille, leurs voisiins.

Dans cette pièce, encore une fois, tout cela est traité sur un ton un peu feutré, Les sentiments sont exprimés sotto voce, dans cette pièce, comme dans la seconde, où il s’agit d’un enfant séparé de ses parents dans la cohue de l’évacuation.

Bien sûr, je ne vais pas vous raconter toute l’histoire. Je vous dirai simplement que je partage entièrement l’avis de Jean Hamblenne dans sa préface:  » Certains parleront de mélodrames. D’autres s’étonneront du sérieux des thèmes traités, habitués à ne fréquenter le théâtre wallon que pour se payer une bonne tranche de rire. C’est oublier que notre auteur avait connu la déportation, et en avait gardé une blessure intérieure qui transparaît souvent dans ses écrits. C’est oublier que le wallon est une langue à part entière, capable d’exprimer les émotions les plus profondes.

Et si ces pièces vous arrachent une larme, tant pis ou tant mieux. Elles restent un vigoureux plaidoyer contre la guerre, un sujet qui demeure on ne peut plus actuel. »

Joseph Bodson