trekkerAnnemarie Trekker, Un père cerf-volant, roman, L’Harmattan, 2013, 162 pp, 16,50 €

On connaît de reste l’importance qu’attache Annemarie Trekker à la connaissance du passé d’une famille, qui éclaire bien souvent une bonne partie de l’histoire d’un individu. Bien sûr, chacun a sa propre histoire, les circonstances de sa naissance, déjà, importent aussi, de même que le vécu de la petite enfance.

Mais ici, c’est, pour ainsi dire, à son corps défendant, qu’elle entreprend cette enquête, qui est aussi une quête: son propre père, avec qui ses rapports s’étaient fortement distendus, a subitement disparu. Il avait mené une vie assez bohême, avec des liaisons successives, des goûts artistiques – et l’une de ses peintures jouera dans le récit un rôle assez important. Ce père refermé sur lui-même et ses secrets, ce père dont on recherche désespérément l’approbation, a lui-même eu une enfance, une ascendance difficiles, et l’on peut se demander dans quelle mesure ces problèmes eux-mêmes ne cherchent pas un exutoire dans l’une ou l’autre pratique artistique. Les traits, les couleurs, tout comme les mots, peuvent bien sûr exprimer une souffrance, un mal-être.

Annemarie Trekker est très attentive, aussi, à tous les symptômes corporels – maux de dos, par exemple, qui sont liés à ce drame. Il ne faut pas oublier que si le père est un père cerf-volant, c’est la petite fille, toujours, qui tient la corde, même si l’extrémité s’en perd dans le brouillard. Et il faudra bien du temps, bien des souffrances, l’amitié, aussi, et l’amour de ses filles, pour qu’elle puisse un jour se libérer. Importance, aussi, de l’amitié, puisqu’elle ira se fixer dans cette région de France qu’habitait l’ami qui l’a poussée à l’écriture.

Et puis, il reste toujours l’indicible, et je songe, je ne sais pourquoi, à cet homme à tête de cerf que l’on a trouvé peint sur la paroi d’une grotte préhistorique – scène ou cène primitive? Notre ancêtre à tous, qui attendrait, lui aussi, l’envol de notre humanité?

Joseph Bodson