Armel Job, Un père à soi, roman, Robert Laffont, 2022

Quelle est donc la marque de fabrique des romans d’Armel Job? Eh bien, c’est qu’il n’y en a pas. Ce sont des personnages comme vous et moi. Le commun des mortels. Et qu’est-ce qui fait courir ses personnages? Justement, le fait qu’ils ne courent pas. Bien sûr, il leur arrive des choses. Comme à vous et à moi. Mais comment se fait-il, alors, que ses romans soient si intéressants, ses personnages si vivants? Le fait, sans doute, qu’ils appartiennent au commun des mortels. Ceux qui ne passent guère à la télévision, ceux qu’on n’interviewe pas, ceux qui ne font pas de déclarations fracassantes. Une société, voyez-vous, elle est faite en majorité de gens invisibles, qui ne se bousculent pas au portillon. Et portant…méfions-nous, encore une fois, du calme illusoire des paysages tranquilles.

Tenez, Alban, celui qui dit je, en début de livre. Un je rassurant: propriétaire d’une jardinerie, une femme qui l’aime et qu’il aime, deux enfants, garçon et fille. Il aime son métier, sa femme et ses enfants, son métier. Tout pour être heureux. Les gens heureux n’ont pas d’histoire. Et puis, il y a celle-là, qui vient s’intercaler. Celle qui n’a pas de père. Qui n’en a jamais eu, ou si peu. Qui n’a pas de mère non plus. Mangée par le père. Celle qui est là, devant la fenêtre, et qui attend. La lettre. Les photos. Et tout, du coup, va être chamboulé. La vie, comme disait déjà Goethe, c’est comme le jeu de l’oie. On finit toujours par aller là où l’on ne voulait pas aller.  Les choses vont se précipiter. On se trouve en plein drame. Bien sûr, je ne vais pas vous en raconter les péripéties. Elles appartiennent à la vie, ou plutôt à Armel Job, qui les a inventées. Je vous dirai seulement qu’il y a un personnage extraordinaire – sans doute parce que ceux-là apparaissent rarement dans les romans – un amateur de moto, de vitesse – l’homme au casque. A part ça, l’homme le plus tranquille du monde. Et c’est lui qui va dénouer toute l’affaire…Les saints, dans la vie, se promènent sans auréole.

Et le style, me direz-vous? Rien à signaler. Un style bien tranquille, comme les eaux du fleuve, le plus souvent. Les grandes eaux de la vie. Comme celui, tenez, de Graham Greene, dans son roman Un Américain bien tranquille. On devrait relire Graham Greene, c’est un excellent auteur.

Et puis…Il y a cette fille qui attend, devant la fenêtre ouverte. Qui attend quoi? Un père à soi, sans doute…

Joseph Bodson