Claude Donnay, Le bourdonnement de la lumière entre les chardons, poèmes, Éditions Le Coudrier ; illustrations d’Odona Bernard ; préface de Jean-Michel Aubevert, 2019

Sommes-nous, avec Claude, dans « le bourdonnement de la lumière entre les chardons », dans un processus d’éternel retour ou d’éternelle continuité ?

Ce recueil, en tout cas, nous rappelle, brillamment, ce très court laps de temps qui fait notre éblouissement puisqu’ « il n’est question/Que de passer/Du doigt au sable/Du sable à la vague ».

Devant le doute, certes, « le ciel rougit de notre immobilité » …mais il flamboie car « au-delà du choix/ Le chemin pose/Son évidence ».

Tributaire du corps, l’âme serait-elle en sursis quand « le monde survit/Le temps/D’un battement de cils » ?

C’est que le bourdonnement se fait intense au moment où on s’y attend le moins, sorte de résistance globale à vouloir prendre un certain élan quand « la vie coule à pic ».

La Vie toujours se fait neuve : « Plus la mort pond ses œufs/Dans les nids à l’abandon/Plus les oiseaux dans le ciel/Se doivent d’être audacieux/Car leurs ailes signent/L’espoir dans nos yeux ».

La lumière se fait témoin de nos joies, de nos peines, de nos hésitations avec aussi cette sorte d’empathie « Libérant une douleur/Ou une joie intense/Qui éclabousse le présent/Jusqu’au pincement ».

Une fois nommée, la lumière n’a aucune hésitation à servir de vecteur au plaisir d’être unique dans un environnement global, la référence du corps s’accomplissant jusque dans le paysage : « Et le monde tressaille/Dans la jupe tendue sur les genoux/Et la lumière se répand/Jusqu’aux lèvres de l’horizon ».

 

La lumière, transcendée par les brillantes illustrations d’Odona Bernard, a aussi sa part d’éclair qui, à la fois nous pose question et nous encourage aux ouvertures : « Tant de mort/Dans les regards du matin/Que je traverse la rue/Vers ce trottoir/Où pleuvent/Des étoiles filantes ».

L’interrogation d’une situation n’a d’égal que les ressources qu’elle porte en elle. En effet, si « l’été immobile échappe aux soins palliatifs », on écoute cependant « le soleil installer ses terrasses/On puise l’instant/Puisqu’on ne peut l’emporter ».

Et cette superbe phrase bourdonne justement en nous comme autant de lumière et de partage, phrase-amour, symbiose et grandiose empathie : « Je veux que ma vie file entre tes doigts ».

Belles, les images sont, elles aussi, « caressées (caressé) comme une canne à pommeau ».

Le temps, rouillé aux entournures, n’a d’égal que la belle évocation de l’automne qui n’aura cesse de préserver l’ultime instant de lumière dans cette continuité poétique.

Et qui sait si…entre les lignes…ne « bourdonne » pas l’une ou l’autre silencieuse citation d’autrui ?

Elle ne nous sera pas dite puisque tout le reste suffit à nous émouvoir, « le jour se levant sur des traces d’écriture ».

Patrick Devaux