Diaphane s’installe de Laurence Skivée éditions l’âne qui butine (Collection Xylophage 2021, 317 ex numérotés, illustrations de l’auteure, 22 euros)

Avec son livre épais et ses phrases très courtes, l’idée fuse telle une étoile filante : courte mais rapide et efficace, Laurence Skivée illumine même si « Diaphane/s’intéresse au minuscule/A ce qui se cache ».
Avec parfois des mots barrés dans le texte, comme si c’est le brouillon qui éclatait à la figure du lecteur, «elle ne peut pas vivre/dans cette société/elle est/et restera toujours/borderline ».
Une page quasi blanche fait parfois éclater l’idée avec deux mots qui peuvent en dire long : « fine solitude ».
Le corps, très certainement, accompagne le mouvement : « mangeant peu/buvant passionnément/ elle laisse toute chose lui arriver/le beau et le terrible ».
« Diaphane s’installe » dans les mots avec ce sens de la simplicité révélé dans, sans doute, l’infiniment grand ou l’infiniment petit, mais surtout dans l’infiniment moindre : « avec elle/j’embrasse le Brut/je regarde le simple/je valorise le Moindre/ (les yeux rieurs).
On remarque ainsi, avec cette dernière courte parenthèse, que l’attitude est révélée par la ponctuation, ce qui caractérise également le côté graphique de l’œuvre, l’auteure étant de surcroît, elle-même, sa propre illustratrice.
Certainement beaucoup de travail quand « Diaphane se souvient des feuilles froissées ».
La Nature joue son rôle d’accompagnatrice avec des mots qui tombent écartés comme des gouttes de pluie, l’auteure étant « ivre de branches ».
Il y a une prise de conscience du « rien » dans le « tout » et c’est ce qui fait la grande force de ce recueil aux mots blancs puissants.
On devine, à travers les mots, comment se révèle la puissance physique : « légère dans l’instant/ Diaphane avance/ en sourdine/ paupières silencieuses ».
Si vous avez perdu le sens de l’instant et du moment, lire Laurence Skivée pourrait se faire maïeutique à se retrouver soi-même à travers une tierce personne.
Avec l’adjectif devenu prénom, Diaphane a le sens de préciser une sorte de petite quantité transcendée dans un grand tout. On peut songer, en biologie, au têtard qui, transparent, diaphane, devenant grenouille, se métamorphose en couleurs et en sautillements.
Le lecteur est là pour en apprécier l’évolution.
La parcimonie se révèle également dans les illustrations de l’auteure elle-même avec cette même idée d’inventivité non directement figurative.

Patrick Devaux