Avec une note légère de génie en fin de phrase de Dominique Saint-Dizier
Éditions Cactus Inébranlable (2020, 10 euros)
Ça remue ferme dans les idées de ce « non-poète » averti d’être autre chose que lui-même à chaque mouvement de phrase avec son style cinétique, exalté par les mots eux-mêmes à se prétendre autres dans leur définition propre : « A écrire le mot hurler plusieurs milliers de fois, mon style a une extinction de voix », dit-il.
Dans le concept de l’auteur, le mot devient un outil comme un autre à se prétendre lui-même car, en effet, « si l’habit ne fait pas le moine, la nudité non plus ».
Ce genre surréaliste proche de l’aphorisme mais aussi d’une sorte de dactylographie/ typographie décalée et un peu de genre « calligramme », force sur l’audace jusqu’à modifier le mot qui suscite l’idée provocatrice telle : « l’ortografe/ m’a tuer/ et la grammaire/ occis ».
Avec un certain génie, l’auteur ne prête pas seulement à sourire, déguisant audacieusement des références journalistiques ou sociales, rappelant au passage de parfois réels faits divers tragiques, laissant en quelque sorte l’idée s’exprimer dans une prise de responsabilité sociétale : « A court d’inspiration, il passe de la page blanche au cépage blanc ».
Comme on le voit, le metteur en mots (comme on parlerait d’un metteur en scène) use aussi du son, du souffle et de la résonance des mots entre eux donnant cette impression d’une mouvante appartenance.
Entre Montaigne et Pythagore, la mesure du mot, injustement placé dans le concept habituel de l’écriture, use de brillants raccourcis et c’est bien le cas de le lire avec cette évocation qui prête, une fois encore, faussement à sourire ; « Intention compromise / L’écartement des rails de chemin de fer est de 1m43 et demi. Manque de chance, notre postulant ne mesure que 1m38 ». C’est que, en effet, « se sentant inspiré, l’écrivain met la main à l’encrier » donnant une farce nouvelle à la force de l’idée connue ou préconçue, l’idée première étant certainement proche des dadaïstes.
Patrick Devaux