Isabelle Fable,  Noire ou Bleue ?  Audace, 2013

 

Plus noires que  bleues, ces cinq nouvelles d’Isabelle Fable…D’un noir cinglant qui griffe la page comme une aile d’oiseau de proie dans le ciel, laissant, par grâce, un sillage bleu derrière elle. D’une écriture vive, sertie d’images fortes et originales, de jeux verbaux amers, cyniques parfois mais mordants et qui font mouche à chaque coup, ces petites fugues en chagrin mineur nous font connaître et partager le sort de quelques victimes de notre temps, notre « temps du mépris », selon l’expression mémorable de Malraux qui demeure hélas ! d’une navrante actualité.

Une poignée de mineurs, enfermés au fond de la fosse, frappés soudain par un coup de poussier et plongés dans une obscurité atroce ; une jeune femme condamnée par la médecine, qui refuse les traitements et qui veut profiter intensément  des derniers mois de son existence ; un garçon, lui aussi atteint par un mal redoutable, et qui s’évade par la magie d’un petit avion de papier et passe ainsi des bleus à l’âme à l’âme en bleu ; une femme, dans le métro, enfouie complètement dans sa burka, murée dans un silence qui semble terrifiant et terriblement injuste pour celle qui la regarde ;  une ado qui file en train vers Paris, la Seine et sa profondeur mortelle, fragile Antigone perdue dans un monde qui ne la comprend pas et la rejette…

Destins détournés du bonheur par la maladie, la fatalité, l’intolérance, l’indifférence, l’égoïsme des autres, des proches même, qui n’ont rien vu venir.

Mais le noir de toutes ces épreuves n’est pas inéluctable. Une rencontre, une petite vie parallèle qui s’offre au détour d’un parc, une fiction anodine, un sourire complice, un verre de vin bleu que l’on va boire ensemble au bistrot du coin et tout s’efface. Provisoirement peut-être mais ne vaut-il pas mieux savourer une heure lumineuse, de temps à autre, que subir des jours gris, à perte de vie ?

L’amour peut-il sauver une âme morte du naufrage ? Peut-il ramener à terre un  être noyé de solitude ?

La réponse de l’acteur Vincent Cassel à cette question du même ordre : Croyez-vous à la métamorphose par amour ? Oui, même si on n’échappe pas à ce qu’on est…

 

                                                                  Michel Ducobu