Jean-Hubert Mabille, La main sur le corps, roman, éd. du Panthéon,176 pp, 16 €

C’est à une entreprise risquée que s’est livré, en ceroman, Jean-Hubert Mabille: le récit d’une amitié particulière entre deux jeunes filles, amitié qui n’a pas eu de réalisation physique, mais qui les a marquées profondément toutes deux. Entreprise risquée, car il n’est pas facile pour un homme de se mettre dans la peau, dans le coeur d’une femme. Et puis, quand je dis: amitié particulière, c(‘est déjà profondément marqué par le temps, pour les filles somme les garçons. C’était le temps où il nous était interdit, sous les arbres de la cour de récréation, de nous promener à deux et de mettre les mains dans les poches. Le temps où figurait encore, dans le règlement du Grand Séminaire de Namur, la recommandation de détourner la tête quand la promenade croisait une jeune femme…Bien sûr, heureusement, nous n’en sommes plus là; même si mai 68 n’a pas eux que des conséquences heureuses, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et les hommes et les femmes de mon âge, même s’ils ne l’avouent pas toujours, ressentent une profonde nostalgie de ce paradis défendu des amours adolescentes, qui leur  été fermé pour des raisons de principe déjà obsolescentes à l’époque…

Bien sûr, je ne vais pas vous raconter tout le livre. Je dirai simplement qu’un accident survenu à une des deux filles – une chute de cheval – aurait dû encore les rapprocher, mais que ce fut le contraire: loin des yeux, loin du coeur, et que c’est bien longtemps, des années plus tard, qu’elles se retrouvèrent; la vierge sage, au parcours irréprochable, et la vierge folle, la danseuses-étoile, après une série d’aventures rocambolesques, qui l’ont conduite au bord du précipice.

Les qualités et les défauts de ce livre sont ceux que nous avons déjà notés à propos de l’écriture de Jean-Hubert Mabille: une verve éblouissante; mais dont l’abondance même nuit quelquefois au récit. Il est vrai que l’amitié entre les deux filles, parfois, est très finement analysée. mais que d’allusions à des personnages de l’actualité dont on se serait bien passé! Elles viennent casser le récit, sans rien lui apporter, et  désarçonnent le lecteur. Le journal de Magda, vers la fin, crée une nouvelle rupture, de même que la conversation à voix mulitples et voilées, qui vient là un peu comme une pièce rapportée, et nuit à l’unité de l’ensemble…

Dommage! L’auteur a les qualités qu’il faut pour faire un bon romancier, mais elles ne sont pas utilisées pleinement, et trop d’obstacles viennent détourner l’attention du lecteur.

Joseph Bodson