Jean-Louis Massot Entre deux nuages éditions Bleu d’encre, illustrations de Olivia HB (79 pages, 16 euros)
C’est avec des mots choisis et bien placés que Jean-Louis Massot étale sa poésie à même les nuages entre cirrostratus, floccus ou arcus, donnant une dimension très aérienne à ses ressentis.
Il y a, entre ses mots, toute une hésitation du geste finalisé autrement qu’initialement, ceci donnant le ton de ce qu’est le style de Jean-Louis : « Elle a tout fait pour s’abonnir la/poésie jusqu’à passer chez/le/fleuriste du coin de la rue et lui/demander bouquet de mimosa/ou/fleurs de tournesol, mais au seuil de/l’hiver elle s’est ramenée avec un/cœur d’artichaut même pas fleuri ». Cette découpe de texte engendre un genre télégraphique s’approchant du vocabulaire oral tout en étant très précis : « Celle-ci de poésie j’aurais pu la/scribouiller sur la dernière tartine/du/pain au levain cuit la veille, y/mordre dedans à pleines dents/mais/je l’ai conservé pour le jour/où se tiendrait à nouveau/misère de mots ». On comprend ainsi que la poésie est dans le moindre de ses gestes et que du moindre de ses gestes émane un soupçon de poésie.
Toujours la nature rattrape le poème au tournant, suscitant le rythme entre mots doux d’oiseaux et sons agréables à l’oreille, éveillant les sens : « Il voudrait bien se prendre pour/ une mésange le poème et se mettre/à/zinzinuler ses mots au petit matin, mais il ne parvient/à/peine qu’à balbutier/deux ou trois syllabes/qu’une agace jacasse »
Les nuages seraient ils vecteurs de mots à suggérer une sorte de puzzle de vivre quand le poète dit : « Du puzzle/S’éloigne ce/ Cumulus mediocris/pièce manquante/ A jamais/ Du jeu » ? On peut songer au jeu de l’oie avec ces nuages qui vont et viennent suivant le coup de dé du hasard suggéré par leurs mouvements proches des neurones de l’opérant pour qui les mots se font discrets jusqu’à être glissés sous un oreiller sans « la » réveiller (« Ce matin, avant de sortir de la /chambre, j’ai glissé la poésie sous/ton oreiller, ce qui ne t’a même pas/réveillée, puis j’ai fermé doucement/la/porte et j’ai croisé les doigts/pour que la poésie ne ternisse/pas cette journée »), le ton de cette ouverture-enfermement me faisant penser, d’une autre façon, à Prévert et à son poème « Pour faire le portrait d’un oiseau » .
Les illustrations d’Olivia HB sont tellement en symbiose avec les mots qu’elles les transcendent. On devine là une franche complicité. Entre noir et rouge, elle voit juste, est le miroir du poète…à moins que ce ne soit le contraire.
Patrick Devaux