Jean Mergeai, In mariadge bin prèparé, coumédie en in ac’, et Gare à l’inspection!, saynète pou deux persounnadges, éd. bilingue gaumais-français. Ma P’tite édition, Jean-Luc Geoffroy, www.frego-et-folio.be

Jean-Luc Geoffroy a eu l’excellente idée de rééditer deux courtes pièces de Jean Mergeai (1927-2006), écrites en patois gaumais (Etalle). Il est l’auteur de nombreux textes en vers et en prose, et de pièces de théâtre jouées à travers la Gaume, et parfois reprises par la RTBF. Jean Mergeai fut, jusqu’à son décès, l’un des membres les plus fidèles de notre association. Je me souviens de l’avoir invité à présenter à l’Association des Ecrivains wallons, à Bruxelles,  l’un de ses romans, tiré d’une suite campagnarde décrivant à merveille son pays et ses gens, qu’il connaissait sur le bout des doigts, et qu’il aimait d’un amour profond et discret. Ainsi était-il, modeste, un peu réservé, mais tout disposé à s’ouvrir lorsqu’un sujet lui tenait à coeur.

C’est la même impression que laissent les deux pièces reprises ici. On reproche parfois au théâtre wallon une certaine rudesse, parfois même de la grossièreté: Jean Mergeai est tout à l’inverse. Le juge qu’il avait longtemps été tirait de son fond propre une profonde connaissance des gens.et des choses de son pays – ce qui ne l’empêche pas, à l’occasion, d’user du langage un peu vert qui est celui du peuple, et de le faire avec une certaine délectation. C’était, comme le dit Giono d’un de ses personnages dans sans divertissement, un profond connaisseur du coeur humain. Rien, dans ce petit monde, ne lui est étranger. La pîèce met en scène deux hommes d’âge, opposés à une mère perspicace et à sa fille. Les deux vieux sont ce qu’on appelle chez nous des chineus, des spécialistes ès mauvaises blagues, mais la morale est bien claire: tel est pris qui croyait prendre, et le sexe fort n’est pas toujours celui que l’on pense.

L’autre pièce, opposant à nouveau un homme et une femme, complète agréablement le livre. L’auteur nous y apparaît non seulement comme un juge sagace (ce qu’il était de son office, dans sa justice de paix), mais aussi comme un amateur de comique, en situations et en paroles, dans toute sa finesse – celle du bon peuple de chez nous, venue en droite ligne des fabliaux et soties du Moyen-Age.

Joseph Bodson