Jean-Michel Aubevert Transparences poèmes éditions Le Coudrier (2022, 64 pages, 16 euros)
« L’Amour toujours en la rose », avant même le titre, en dit long sur ces « Transparences » où l’infime rejoint le grandiose.
C’est que Jean-Michel Aubevert sait mettre les petits plats dans les grands et les servir au bon moment dans l’acte accompli : « L’Alice immergée/ Au miroir d’une Eve/ Rêve, fille trouvée/ D’habiter son rêve ».
Draps de lit et ondulations marines se mêlent à un mouvement que n’aurait pas renié Jean Muno avec ses « Ripple Marks » quand le ton ondule joyeusement avec parfois le rythme de Saint-John Perse, proposant un érotisme presque redécouvert : « La bête à deux dos/connait son fin mot/ et de l’Immaculé/ dessille les scellés/ la belle, l’envolée/Par toi, tendre amour/ je renais à mes jours ».
Amour via la poésie partagée quand Joëlle y contribue avec des illustrations lumineuses de sens.
Ceci nous change de la prose avec un sens direct motivé sur les corps plutôt que par l’esprit, comme pour défier le temps, avec un amour sur la durée : « Je me suis reposé/de mes ans, ai couché/ma jeunesse volée/ Au lit des sagesses/ j’ai bu tes largesses ».
Se servant de la lumière « à l’encre blanche » l’auteur affirme une sorte de pérennité à travers un effacement qui, en réalité, se révèle progressivement devenir une image comme on découvrait, autrefois, les photos en noir et blanc dans une chambre noire.
Avec l’enfance toujours un peu à l’affût, et une « Alice immergée », la transparence s’est faite pour l’auteur, dans sa vie d’adulte : « Que, telle la lampe/ dans son verre trempe/ je baigne au miroir/que mouille ton regard ».
Il faut savoir que l’auteur choisit ses mots jusque dans la dédicace quand il en commet une. Ainsi celle-ci : « à Patrick la grâce des transparences que transfigure un sens ».
Ce poète, qui souvent en dit long, sait également mesurer le ton et le sens à la syllabe près quand il manie le texte court.
L’ambiance du texte me fait penser à la forêt de Brocéliande où s’activent les fées : « Aux fées je reviendrai /Dans ma simple livrée/Bleuet au ban d’ivraie/ Dans la campagne vraie ».
Depuis longtemps, Jean-Michel a choisi la sienne. Ils dansent ensemble parmi les mots.
Patrick Devaux