Le dernier mouchoir de Charles Aznavour Pascale Lora Schyns roman éditions L’Harmattan (2025, 146 pages, 16 euros)
Après sa rencontre avec l’artiste franco- arménien en 2015 à Madrid, l’auteure a suivi le chanteur dans ses tournées à travers le monde pendant 3 ans. Dans ce roman inspiré donc de la réalité, la scène, la vie des fans et celle de l’artiste sont vues du « côté pile » entre coulisses, admiration et générosité. Avec le Japon relaté, c’est également l’occasion de mettre l’accent sur une autre vision du monde artistique à travers des personnages nippons imaginés à partir de faits réels tandis que la narratrice imagine Charles dans ses réflexions d’avant spectacle : « Comment sera le public ce soir ? Cet étrange public japonais. Réservé et enthousiaste à la fois. Admirateur aussi. Il sait que les Nippons le considèrent comme faisant partie de la famille. Il a hâte que débute la soirée ».
A travers le prisme des fans un certain Japon est évoqué : « Thomas, jeune homme élégant qui porte un modèle ancien de montre mécanique à son poignet gauche, regrette le manque de classe de toutes ces couleurs criardes qui décorent la devanture des magasins d’électronique. Une amie lui a pourtant dit que le Japon est le pays des beaux papiers, celui des pinceaux aux poils de martre qui permettent de calligraphier les mots les plus envoûtants. Sans doute les boutiques où il est possible de se les procurer sont-elles bien cachées au fond de ruelles étroites et leur existence n’est-elle connue que des experts et des grands écrivains, auteurs de chefs d’œuvre indémodables ». Le monde des fans, on le sait, n’a pas de limites : « Yoshizo n’a pas non plus oublié de préparer son appareil photo/…/Il voudrait qu’il soit déjà 16 heures, pour faire monter son épouse, son fils, sa belle-fille et ses petits enfants dans son quatre-quatre dont la plaque d’immatriculation correspond à la date de naissance de Charles Aznavour. Il n’est pas peu fier d’être parvenu à convaincre l’administration de son pays de le laisser réaliser son rêve ».
Le roman évoque également un Charles plein de projets : « Il était en train de rêver qu’il chantait sous la Tour Eiffel, le soir du concert de son centenaire ».
Derrière les chansons de Charles et les mots de l’auteure on retrouve surtout l’âme d’un peuple, celle du Japon tandis qu’on prête au chanteur un dernier lancer de mouchoir faisant office d’intrigue.
Quelques fans seront là pour dire « Charles Aznavour, c’est ma vie » tandis que le chanteur, vieillissant, va donner, à 94 ans, un concert qu’il attend comme un débutant à se poser les questions que lui prête Pascale : « Le public applaudira -t-il à tout rompre dès la première chanson ou lui faudra- t-il un peu de temps pour se mettre en route ? »
Qui des protagonistes enlèvera le précieux mouchoir tandis que chacun des fans se fait son cinéma ? : « A son retour en France, Thomas achètera un cadre magnifique pour mettre son trésor sous verre. Cela fait plus de dix ans qu’il en rêve ».
A chaque ligne le roman confirme l’admiration qu’a l’auteure pour l’artiste.
Patrick Devaux