Paul Bolland, La Saint-Rémoise, une page du Théâtre wallon liégeois, coll. Comté de Dalhem, 108 pp., 15 € plus frais de port. Blegny-Mine ASBL, rue L.Marlet, 23, 4670 Blegny

Une de nos troupes wallonnes fête ses cent cinquante ans…Un évènement local, bien sûr. Mais, lorsqu’il s’agit de la Saint-Rémoise, cela va bien plus loin que la simple anecdote: c’est une part importante de la vie culturelle d’une région, d’une province qui est évoquée ici, avec tout le talent de Paul Bolland, et, du même coup, une belle histoire tour court, chargée de péripéties, heureuses ou malheureuses. C’est aussi l’histoire du théâtre liégeois dans l’espace de la province, et de la région, qui sera concernée: la Saint-Rémoise en effet, est une troupe particulièrement dynamique, qui a marqué, au cours de ces cent cinquante ans, la création théâtrale, mais aussi l’apprentissage du wallon par les jeunes, l’animation de nos concours nationaux et provinciaux, l’écriture et la création de pièces nouvelles.

Un seul regret, mais de taille: c’est que Pierrot Habets, qui fut pendant une longue période la cheville ouvrière de la troupe, décédé peu de temps auparavant, n’aura pu  voir la belle brochure célébrant sa troupe et sa propre action, à Saint-Remy aussi bien que dans la Fédération de la  Province de Liège, dont il fut longtemps le président.

Dans une première partie, Le théâtre wallon, un outil au service de la langue wallonne, Paul Bolland retrace dans ses grandes lignes l’histoire du théâtre wallon dans nos régions, depuis Nicolas Defrêcheux et Charles Grandgagnage, qui fondèrent en 1856, la Société liégeoise de littérature wallonne, celle de la Société d’encouragement à l’art wallon, en 1926, qui s’installera au Théâtre de Flore, rue Surlet, (le Trianon, théâtre communal liégeois).

A Saint-Remy, existeront deux sociétés, la Jeunesse dès 1865, et la Ligne droite, en 1887. Celle-ci jouera des dramatiques en wallon dès la fin de la Première Guerre mondiale. Bon nombre d’autres troupes verront aussi le jour dans la région. Elles auront – comme beaucoup de nos troupes – de graves problèmes de local et devront jouer, parfois, dans des conditions bien précaires. La Saint-Rémoise sera créée en 1974; jouera de 1974 à 1979 dans des guinguettes….

Relevons, au passage, quelques dates importantes: en 1974,  Mireille Fafra remportera au tournoi provincial le prix de la meilleure interprète de moins de 30 ans, en jouant avec la Barchonnaise. De même, en 1975, toujours avec la Barchonnaise pour le concours provincial, Jeanne et Mireille Fafra, et Pierrot Habets, la RTBF diffusera une pièce de la Saint-Rémoise, Therwoigne de Méricourt, au Gala des Fêtes de Wallonie en 1975. Paul Bolland était parmi les acteurs. En 1980, Pierrot Habets, l’homme-orchestre de la troupe, comme l’auteur le qualifie justement, remportera  le prix du concours littéraire de la Royale Fédération de Liège. Et, le 6 juin 1980, la nouvelle salle de la Ligne Droite sera inaugurée, et la Saint-Rémoise remportera pour la première fois la Coupe de la Province. En 1986, création d’une pièce de Pierrot Habets, Malåde d’idéye: il y tient le rôle principal et s’occupe des décors. En 1987, centième anniversaire de la Ligne droite. Le 5 octobre,  spectacle franco-wallon, Cinq bougies po l’Ligne dreûte, de Pierrot Habets et Paul Bolland.  En 1990, la fête à Jeanne: pour les cinquante ans de théâtre de Jeanne Fafra, en présence notamment d’Estelle Lemaire et Paul Lefin, secrétaire général de l’Union culturelle wallonne. En 1993, pour la seconde fois, la troupe remporte la Coupe provinciale. C’est aussi l’année du 20e anniversaire de la troupe…

Un point important: la Saint-Rémoise, qui s’est toujours efforcée d’assurer la formation des jeunes acteurs, notamment sous l’action de Pierrot Habets présente une pièce en un acte du même auteur, présentée par Les Spirous, la troupe des jeunes. Et, en 1966, la troupe remportera pour la troisième fois la coupe de la Province. En 1997, la compagnie sera classée première, ex aequo avec la Compagnie Marius Staquet, à la Coupe du roi, où elle présentait Purgatwère, de Pierrot Habets. En 1999, grande victoire de la troupe aux Rencontres provinciales: le prix, et de nombreuses citations. Le 25 juin 2000, La fête à Jeanne: 60 ans de théâtre pour Jeanne Fafra-Jolet. En 2001, prix des Critiques wallons attribué par la Province de Liège  à Pierrot Habets.   2003, une triste nouvelle: le décès de Jeanne Fafra. En 2010, THierry Dewinter, membre de la Saint-Rémoise, se lance également dans l’écriture théâtrale. Au printemps 2012, Li Cayè d’Anne Frank, de Paul Bolland. Deuxième place à la Coupe du Roi, encore, en 2013.  En octobre 2017,   la troupe délègue plusieurs acteurs à l’Année du Wallon organisée par la Commune de Blégny…

2020 commence par une mauvaise nouvelle: le décès de Mireille Habets, fille de Pierrot. Et puis celui de Bernadette, épouse de Thierry Dewinter. Et enfin, tout récemment, le décès de Pierrot Habets lui-même. Ainsi se succèdent les joies et les peines…Je vous le disais en commençant, Pierrot n’aura pu partager la joie de voir publié le présent ouvrage.   Et pour ma part, si j’ai un regret, c’est de ne pas avoir pu publier en cette recension tous les noms des acteurs, et toutes les distinctions qu’ils ont reçues. On peut dire, sans risque de se tromper, que la région de Blegny, à commencer par Saint-Remy, est vraiment l’un des foyers les plus ardents du théâtre wallon, et du wallon tout court, dans la province. Proficiat!                                                                                                                                                                      Joseph Bodson