Rose-Marie François Bien entendu ! Bon entendeur, mal entendant : le rire-ensemble Essai & Poésie éditions rootleg #18 maelström reevolution (95 pages, 9 euros)

Sans doute ne ferez- vous pas la sourde oreille à lire cet essai de Rose-Marie traitant de l’audition et plus particulièrement de la « malaudition » qui concerne un bon nombre de personnes. Le sujet est suffisamment vulgarisé pour être compris par chacun et pour appliquer la recette miracle qui pourrait venir à l’aide en toutes sortes de circonstances en étant, par exemple, …à l’écoute d’une autre façon :       « …Epuisant aussi de toujours devoir répéter. Comment l’éviter ? D’abord : ne pas nier, donc admettre, que l’autre entend autrement. Par exemple : il se peut qu’il/qu’elle entende beaucoup mieux que vous les rythmes sonores, donc que les basses fréquences des percussions qui nous enchantent, par exemple quand nous dansons, lui soient devenues source de douleur (impression de coups de maillet sur le crâne) : c’est l’hyperacousie. Ou que les plaintes du violon (sur la corde de mi, la métallique) se transforment en coups de rasoir sur le tympan ». On aura bien compris que les problèmes d’ouïe sont fort complexes et différents d’une personne à l’autre et, de manière globale, l’auteure suggère la bienveillance.
Rose-Marie, on le sait, est une personne maniant l’humour avec une certaine énergie et c’est encore le cas ici : « Depuis la fin du siècle/ jour et nuit sans arrêt/ils sont inextinguibles/Ni tout de suite ni après/ il faudra patienter/jusqu’à l’éternité/ Car maintenant je le sais/Je mourrai avant eux/ je mourrai avant ceux/que l’on nomme sans gêne/ mes a-cou-phènes ».
Une postface : Lettre à mon oreille, très bien pensée et bien comprise, s’adresse, quant à elle, à « Autroreille » rappelle parfois une douloureuse circonstance initiale : « Tout a commencé, dis-tu, par une gifle bien appliquée qui t’a crevé le tympan, tu entrais ainsi, en pleine jeunesse, dans la gigantesque et effrayante statistique des femmes (occasionnellement) battues./…/ Comment ne pas te témoigner ma tendre connivence ? Depuis tant d’années, nous travaillons ensemble, tendant l’une à l’autre l’oreille et battant pavillon sur la mer des Sons pour écouter les oiseaux, les roseaux, le vent dans les arbres ou les concerts de grande musique humaine. La main dans la main, l’osselet dans l’osselet, nous avons supporté les insultes ou joui de mots d’amour chuchotés ».
Cet ouvrage, posé entre le marteau et l’enclume (de l’oreille) jongle avec habileté entre essai et poésie. Déjà c’est un exploit. Et cela devient une performance quand Rose- Marie y ajoute parfois un côté scénique rappelant alors l’une ou l’autre expérience vécue par « Autroreille ». Si comme le dit Rose-Marie « L’aveugle émeut, le sourd agace », l’auteure prend le contrepied de l’agacement par quelques exemples de sons mal compris comme « les insect’ doivent mieux coordonner leurs aides au développement ». Les bestioles dans la bouche du commissaire européen n’étaient autres que « les vingt-sept », évidemment… »
Avec Rose-Marie on apprend à rire sérieusement.

Patrick Devaux