Georges Roland, Flauskes de la Grèce antique, L’Iliade – L’Odyssée, deux zwanzes bruxelloises racontées par Omer den Blinne, Le livre de votre région, 2023, 100 p.10 €.

Georges Roland a de qui tenir, avec un nom prédestiné. Scarron, l’Enéide travestie, ça ne vous dit rien ? Lui, le Georges, il a commencé, comme de juste, par son tayon, le neveu du Grand Karelke, qu’il a suivi jusqu’à Roncevaux, en plein dans les épines (Chansons de Roland, 2008).
Mais l’appétit vient en combattant, et cette fois, il s’attaque à un gros morceau : l’Iliade et l’Odyssée, en brussels vlooms, et c’est un peu, dans son dialecte, en habit marollien, comme on dirait un condensé de Prévert et de Brassens, avec un stukske d’Ubu Roi et du Grand Combat d’Henri Michaux. Oui, il y a de cela, dans la zwanze : de la gouaille à la grosse louche (quand on aime, on ne calcule pas), dans un bel habit de pierrot ou de poelchenel (pas confondre avec Karl Lagerfeld, lui, c’est le trottoir d’en face, avenue Louise).
Mais je cause, je cause, et ça serait mieux de vous faire goûter, ne serait-ce qu’une petite louchée :

« Omer den Blinne revisite les flauskes grecques
De son arrière kozze de la mer Eïegezeen,
Les tragédies des Schile et de Stof Noenkel,
Alleï de tous ces peïs qui avaient
Quelque chose dans leur tête.

Y en a des ceuss qui travaillent du chapeau,
Eh bien moi comme tu sais voir je travaille
de l’oiseau,
car lui il a plusieurs plumes, lui, ara.

Les vrais Brusseleirs sont à la zwanze
Comme la gueuze est au lambic.

Que je dis« 

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de traduire…

« Et allez, c’est parti, mon kiki, et ça cogne et ça grogne, ça pendouille et ça gidouille, dans la marolle et le maroille…Une sauce, je ne vous dis que ça…On ne se laisse pas non plus mourir de faim, et encore moins de soif. De bloedpens en moeder Lambiek, de bistro en commissariat. Ecoutez donc ça :
C’est la version à Georges du Cheval de Troie :

– Attends, j’ai pas fini. Dix minutes après qu’on est partis, il y a une voiture qui arrive et le conducteur va sonner au café. Il dit aux Parisiens que dans son coffre il a un tonneau de Pommard millésimé qui a été offert pour eux par la congrégation des vignerons de saint Vincent au meilleur stameneï bruxellois.
– Awel merci ! ces saligots gagnent un prix et nous autres on a jamais rien gagné à notre stamcafé…
– C’est de la zwanze, hein, Aghat ! Ils ont juste rien gagné du tout car à l’intérieur du tonneau, c’est pas du Pommard millésimé mais c’est Karabitje qui est caché dedans.

(…) Lorsque le petit Karabitje, sentant le vin à trois kilomètres contre le vent, ouvre en stoumelings la porte du café, les Firfloeiters se ruent à l’intérieur avec des manches de pelle et tapent sur tout ce qui bouge. Comme dit l’ami Georges Brassens, « cette hécatombe fut la plus belle de tous les temps. »

Bon. On va en rester là, sinon je sais pas quand je vais pouvoir m’arrêter, et je risque de recevoir un mauvais coup. Allez, Georges, saluut en de kost !

PS : L’auteur a aimablement joint une petite brochure, Lenneke Mare, La mokke rebelle, (Marie la Misérable), relatant une belle vieille histoire du Moyen-Age venant de Woluwe, en bruxellois comme il se doit.

Joseph Bodson